Le nombre d'enseignants prétendument formés aux méthodes Freinet en France, selon Marie-Laure Viaud, maître de conférences en Sciences de l’éducation
Plus d’une vingtaine d’écoles publiques françaises appliquent la pédagogie Freinet en France. Un enseignement où l’enfant est plongé dans le collectif et où l’entraide est reine.
« A l’école Freinet, le but est de redonner confiance en soi à l’enfant. L’entraide se perpétue, et il y a un regard citoyen très fort, lié à l’exercice démocratique. On forge un esprit critique de perception du monde », affirme Catherine Chabrun, chargée de mission et des relations extérieures au sein de l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne–Pédagogie Freinet, agréé par le Ministère de l’Éducation nationale.
Célestin Freinet (1896-1966), instituteur et pédagogue français, considérait l’instruction comme un moyen d’émancipation. Pour Marie-Laure Viaud, maître de conférences en Sciences de l’éducation, « la pédagogie Freinet, à la différence d’autres pédagogies actives [ndlr : comprendre, des pédagogies ayant pour objectif de rendre l’enfant acteur de ses apprentissages], a l’avantage d’être facilement mise en œuvre dans l’enseignement public. Elle a fait la preuve de son efficacité ». D’ailleurs, en France, celle-ci est mise en pratique dans une vingtaine d’écoles publiques, et plus de 5 000 enseignants seraient formés à ses méthodes. Bruno Fondeville, chercheur en Sciences de l’éducation à l’université Jean-Jaurès de Toulouse, souligne que « les pédagogies alternatives inondent largement l’école publique ».
Dans cet enseignement, le collectif prime par la coopération et non pas par la compétition. Les classes multi-niveaux, la création d’un journal scolaire, de correspondances avec d’autres classes ou encore le conseil d’école en sont de bonnes illustrations. A l’école La Découverte située à Castanet-Tolosan, la matinée débute sur le « je partage », une sorte de « Quoi de neuf ? ». Il est question d’ « un temps collectif où les enfants peuvent s’exprimer sur leur vécu, ou une simple envie de partager », détaille l’enseignante Emmanuelle Dufresne.
Une pédagogie ancrée dans le concret
L’estime de soi et la reconnaissance sont favorisées par le biais de fichiers auto-correctifs. La liberté et l’autonomie de l’enfant s’exercent au travers de plannings de travail individuel, de maîtrise de moyens d’expression artistique ou encore du « tâtonnement expérimental ». Un tâtonnement qui se fait en plusieurs étapes : l’enfant fournit d’abord des hypothèses de manière implicite, si la phase de vérification est concluante, il l’intégrera ensuite à sa structure cognitive par répétition.
Le cadre de l’Education nationale, jugé trop restrictif, a en effet amené certains enseignants à sortir des écoles publiques traditionnelles, voire à créer des écoles Freinet. « L’enfant ne doit pas être seulement acteur, mais aussi auteur. C’est-à-dire qu’il participe à ses propres apprentissages, par l’organisation de la classe et l’organisation pédagogique. L’accent est mis sur l’autonomie et l’initiative et on autorise des cheminements singuliers, des différences de rythmes. La part de l’erreur est prise en compte. L’enfant n’est pas abandonné à sa lenteur : c’est un cheminement en émulation et en coopération avec les autres enfants et le professeur, qui vont bousculer l’enfant dans le bon sens du terme. Les enfants ne sont ni évalués par note ou par couleur, ni même comparés. Pour autant l’évaluation n’est pas bannie. Simplement, elle n’est pas là pour établir une comparaison entre les élèves, mais plutôt pour valoriser le travail et les progrès de chacun » résume Catherine Chabrun.
D’ailleurs, Floraine Jullian, étudiante en master 2 “Développement économique et coopération internationale” à Sciences Po Toulouse et ancienne élève de l’école Bonneveine II Freinet à Marseille, confirme elle aussi cet “’esprit de solidarité” et cette “coopération entre les classes”. La jeune étudiante confie que la pédagogie Freinet lui a donné une assurance dans la communication orale. Avant d’ajouter qu’elle n’a connu aucune difficulté lors de son intégration dans l’Education nationale. Des propos recueillis par Pauline Ducousso.
La pédagogie Freinet se définit principalement au travers du collectif, du “travail en équipe”, de “l’intergénérationnel” comme l’explique Floraine. C’est dans cette logique que ces écoles conçoivent les classes comme des « micro-sociétés ». Les enfants y créent leurs propres règles avec les adultes, tout comme ils deviennent référents, auprès du groupe, d’une matière dans laquelle ils sont performants.
La pédagogie Freinet […] a l’avantage d’être facilement mise en œuvre dans l’enseignement public
Marie-Laure Viaud,Inès Hirigoyen et Florian Cauquil