« A l'école, je n’aurais pas pu travailler comme je l’ai fait »
Accéder à la vidéoA observer le parcours de Marie, les mots qualifiant le mieux ses études sont « longues » et « brillantes ». Pourtant, nous sommes bien loin d’une scolarité classique et traditionnelle. Depuis son plus jeune âge, ce sont les instruments qui rythment la vie et le cursus scolaire de cette flûtiste de haut niveau.
Sa vie d’abord, parce que Marie est issue d’une famille de musicien.ne.s. Sa mère est harpiste professionnelle, directrice d’une école de musique et professeure de harpe. Son père est contrebassiste professionnel tout comme son frère aîné – 37 ans -. Son deuxième frère – 35 ans – a joué du trombone et s’épanouit désormais en tant qu’attaché de production d’un festival. Sa soeur – 30 ans – est pianiste professionnelle, elle aussi.
Son cursus scolaire ensuite, parce qu’elle l’a volontairement adapté à ses ambitions musicales. A 22 ans, elle s’apprête à terminer un Bachelor allemand de flûte traversière, à Berlin. Un aboutissement pour celle qui considère qu’elle n’aurait pas pu arriver à cette professionnalisation musicale sans suivre l’école « autrement ». Pour Cas d’écoles, la flûtiste partage son expérience éducative.
Photo (ci-dessus) : Marie – © Georges Dessaux
Les classes à horaires aménagés musicales : pour les élèves souhaitant bénéficier d’une formation spécifique dans le domaine de la musique, en complémentarité d’une formation générale scolaire. L’objectif : développer des capacités musicales affirmées dont les prolongements attendus sont la pratique amateur ou l’orientation professionnelle… [Circulaire du Ministère de l’éducation nationale, 2002]
Quel a été votre parcours scolaire en parallèle de vos études musicales ?
J’ai commencé la musique très tôt : le piano à 4 ans et la flûte traversière à 8 ans. J’ai été admise au Conservatoire d’Aix-en-Provence à mes 6 ans. Sur le plan scolaire, j’ai suivi un cursus classique jusqu’à la fin de l’école primaire. Ensuite, je suis allée dans un collège près de chez moi, ce qui permettait de rentrer entre midi et deux pour travailler mes instruments. J’ai fonctionné ainsi de la 6e à la 4e. Puis en classe de 3e, j’ai intégré une classe à horaires aménagés « musique et danse », dans un collège du centre-ville d’Aix-en-Provence. J’avais cours jusqu’à 15h, puis j’allais au Conservatoire tous les après-midis. Suite à quelques problèmes personnels, j’ai quitté cette classe aménagée au bout de six mois. Mais il était impossible que j’intègre de nouveau un collège « classique » car je devais faire trois heures de flûte et trois heures de piano par jour. Et c’est donc à ce moment là que j’ai décidé, avec mes parents, de rejoindre le Cned (Centre National d’Enseignement à Distance). Je recevais donc mes cours chez moi, de la fin de la troisième à la fin de la première, au lycée. Pour mon baccalauréat, ça a été compliqué. Je suis sortie du Cned pour ma terminale, je l’ai raté une première fois, puis j’ai suivi des cours particuliers et l’ai obtenu l’année suivante.
Malgré votre jeune âge, ce choix de scolarité était-il une réelle volonté de votre part ?
Très clairement. L’envie de jouer de la musique s’est révélée assez tôt. En grandissant dans une famille de musicien.ne.s, j’ai été plus rapidement et plus facilement menée dans cette voie-là. Mais on ne m’a jamais forcée. Il y avait toujours plein d’instruments chez moi, ce qui a éveillé ma curiosité quand j’était petite. J’avais envie de toucher à tout, puis ça m’a réellement plu. J’ai toujours eu envie de faire ça et mes proches et mes professeur.e.s de musique m’ont beaucoup soutenue dans mes projets.
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Elèves instruits à domicile via le Cned sur l'année 2014-2015
Cette déscolarisation a-t-elle eu un impact sur votre sociabilité ?
Je viens d’une petite ville et je pense que cela a des avantages. Je me suis fait beaucoup d’ami.e.s lors de mes premières années en collège classique. Par la suite, j’ai gardé beaucoup de liens avec eux. Être déscolarisée n’a donc pas créé un manque à ce sujet. Surtout qu’il ne faut pas oublier que le conservatoire est une école spécialisée certes, mais une école avant tout. Donc je n’avais pas forcément besoin du lien social créé par un établissement scolaire.
Je n’ai pas eu une scolarité simple (…) Mais je ne regrette rien.
MarieVous expliquez plus haut que l’obtention du baccalauréat a été compliquée. Votre sortie du Cned est-elle liée à cela ?
Disons que j’ai eu de très mauvaises notes aux épreuves de français du baccalauréat, que j’ai passées en candidate libre. Donc j’ai pris la décision de quitter le Cned pour réintégrer une classe de Terminale littéraire avec des horaires classiques. (Ndlr. Terminale littéraire grâce à un appel appuyé par une de ses professeures). Mais je n’arrivais pas à suivre car j’avais accumulé un retard par rapport aux deux années précédentes. Donc j’ai arrêté d’aller en cours. Je me suis concentrée sur la flûte traversière. C’est pour cette raison que j’ai raté mon baccalauréat une première fois. Avec du recul, je trouve que le Cned n’est pas du tout adapté en terme d’aménagement. J’avais reçu une quantité énorme de livres et de travail à faire. Finalement, ça me demandait plus de temps de travail que si j’allais au lycée. J’étais complètement démotivée, donc je passais mes journées au conservatoire. J’avais des professeurs particuliers, mais finalement je me rends compte qu’ils faisaient les devoirs à ma place et que je ne travaillais pas réellement. Je pense que les classes à horaires aménagés sont plus adaptées. Evidemment, ça dépend des motivations de chacun. Pour ma part, je souhaitais une réduction de mon temps scolaire, pour pouvoir beaucoup travailler mes instruments, et en rejoignant le Cned, je ne l’ai pas eue.
De gauche à droite : Marie à la flûte traversière, Thomas au violon, Raphaël à l’alto, et Simon au violoncelle.
Regrettez-vous pour autant ce choix ?
Absolument pas. Je pense que je n’aurais pas pu faire autrement. Je n’aurais pas pu travailler comme je l’ai fait. Certes, je n’ai pas eu une scolarité simple et je n’ai pas eu des années de lycéenne comme celles et ceux suivant un parcours classique. Mes études musicales n’ont d’ailleurs pas été toutes roses non plus. Mais je ne regrette rien. J’ai pu jouer de deux instruments jusqu’à mes 17 ans. Le piano m’a énormément apporté dans la pratique de la flûte traversière. Et maintenant, je suis en voie de professionnalisation, grâce à ma quatrième et dernière année au sein d’un Bachelor allemand de flûte. Une fois que je l’aurai validé, j’espère intégrer un Master en France ou à l’étranger, on verra. Dans la musique toujours.
Propos recueillis par Marine Clerc
Photo (ci-dessus) : Marie – © Sylvie.L