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Tour du monde | Cas d'écoles

L’école à bord

De plus en plus de familles larguent les amarres pour partir à la découverte des quatre coins du monde. Nous avons rencontré deux familles de globe-trotteurs qui font et ont fait l’école en mer. Sandrine Locci, son mari et leur fils Gabriel ont quitté la terre en septembre 2018 pour un voyage d’un an et demi vers l’Argentine. La famille Bonelli est quant à elle revenue d’un périple dans les Caraïbes en 2013. Retours sur expériences.

Sandrine Locci et son mari Jean-Luc ont pris la mer direction Ushuaïa avec leur petit garçon de six ans, Gabriel pour un périple de 16 mois. Une année qui s’annonce riche en découvertes et rencontres. Mais pour Gabriel, il faudra aussi bien apprendre à lire, à écrire et à compter. La famille a embarqué à bord du voilier Luna Blu à Sète, le 17 septembre 2018. 16 mois sont prévus pour parcourir « ce petit bout de monde » et atteindre la Terre de Feu en Argentine. Guidés par leur projet environnemental dans le cadre de l’association Planète en commun, Sandrine fait ressentir leur envie de « vivre une tranche de vie familiale forte ». Faire école sur le bateau, sans instituteur ni matériel de classe, c’est toute une organisation. Par souci de précaution, Gabriel a fait sa rentrée au CP pendant deux semaines. Déscolarisé de l’école de Bouzigues (Hérault) en suivant, il a été placé sous le statut d’IEF (instruction en famille). Ses parents ont choisi de l’inscrire au CNED et de l’instruire avec des compléments mis en place par eux-même.

Nous avons privilégié la formule « à la carte » du CNED c’est-à-dire uniquement le Français et les Mathémathiques pour donner un cadre à l’instruction. Nous assurons le reste des activités en adéquation à notre mode de vie en mer.

Sandrine Locci, mère de Gabriel

Pour maintenir un rythme régulier, la maman, qui a désormais pris l’étiquette de maîtresse, fait classe une heure et demi à deux heures tous les matins du lundi au vendredi. Chaque jour, l’école se déroule autour de temps forts. Gabriel commence par choisir le « mot de la journée » pour « raccrocher son instruction à ses découvertes ». Marché, balade, calendrier, gâteau…. sont autant de mots que le petit garçon s’est enthousiasmé à rechercher dans le dictionnaire, à lire la définition et à réécrire. Bercé par l’ondulation des vagues, Gabriel et sa mère poursuivent avec du français et des maths en s’appuyant sur les manuels du CNED. Mais pas seulement. Gabriel apprend aussi à compter avec les moyens du bord ; un bocal qu’il remplit quotidiennement d’allumettes correspondant au nombre de jours de navigation.

Les à-côtés du programme classique

La semaine d’école s’achève sur une note de souvenirs. Pour compléter le « Petit Journal de bord de Gabigorneau », le garçon dessine et raconte ses découvertes et impressions de la semaine. « On le stimule en lui demandant de décrire ce qu’il a appris et aimé lors des escales avec ses mots d’enfants et ses souvenirs », explique sa maman.

Sandrine prévoit également un cours de géographie sur leur parcours, à l’aide d’un Atlas. Une idée ingénieuse et ludique pour aider Gabriel à enregistrer les pays, villes, océans et mers traversés. « J’avais envie que son enseignement soit le plus connecté avec la réalité de ce qu’il vit chaque jour » insiste-t-elle. Les parents en profitent donc aussi pour raconter à Gabriel la religion de l’Islam, la djellaba ou les épices lorsque les globe-trotteurs se perdent dans les souks de Tanger. Aux Canaries, les découvertes sur la faune et la flore nourrissent la curiosité de Gabriel.

Dans la peau d’une institutrice

Si le petit mousse lit beaucoup en mer, ses parents se sont vite rendus compte qu’il manquait de concentration pendant ses cours. Le retour de sa première évaluation l’a confirmé ; Gabriel a été pénalisé pour des erreurs d’inattentions et d’étourderies. Un rappel à l’ordre était indispensable. « Au bout de quelques semaines, nous avons remarqué que Gabriel se reposait largement sur ses acquis et qu’il était facilement déconcentré. Il a fallu changer de méthode, et surtout être plus exigeants et rigoureux quant à son apprentissage », lâche Sandrine, perplexe sur ses capacités à enseigner. Alors comment s’inventer prof lorsqu’on ne l’a jamais été ? Les doutes se multiplient quant à la préparation des cours ou à l’excès de confiance accordée aux compétences de l’enfant. « Il y a un décalage curieux quant à la performance réelle de son enfant et aux attentes que l’on a en tant que parent. On n’est pas professeur, on n’a aucune formation de pédagogue. En fait, on progresse avec lui », avoue Sandrine. En se prêtant au jeu, elle a identifié le point faible de son fils : l’écriture. La maîtresse prépare ainsi ses cours en amont et s’entraîne à l’écriture cursive.

Travailler en condition

Après avoir quitté Tanger, la famille a entamé une traversée de 4-5 jours jusqu’aux Canaries dans des « conditions de mer rudes ». « Le bateau était souvent secoué. En plus de ça, je suis tombée malade donc j’étais totalement incapable d’assurer les cours », confie Sandrine. A cause de ce  rythme scolaire perturbé, Gabriel a dû rattraper son retard pendant les vacances de la Toussaint « pour rester dans les clous en terme de programme ». Fin novembre, le petit garçon a été scolarisé quelques jours dans une école perchée sur le village de Saloum, au Sénégal.

Pour Gabriel, c’est l’opportunité de rencontrer, de se sociabiliser avec d’autres enfants et d’avoir un éveil sur d’autres cultures.

Sandrine Locci

La famille embarque des équipiers à bord pour financer leur voyage. L’évolution et la suite de l’aventure dépendent aussi de la motivation à poursuivre leur voyage, des réparations et avaries du bateau. Si toutes les conditions favorables sont réunies, Sandrine, Jean-Luc et Gabriel envisagent de poursuivre dans le Pacifique jusqu’en Polynésie française où ils « pourraient reprendre une activité professionnelle et scolariser Gabriel de nouveau », sourit Sandrine. En attendant… direction Cap Vert !

Le périple a conduit la famille en Méditerranée, puis aux Canaries, avant de mettre le cap vers le Sénégal où ils ont amarré pendant un mois. Puis, direction le Cap Vert avant d’entamer la grande traversée de l’Atlantique qui les mènera au Brésil. Le voilier descendra paisiblement la côte Est de l’Amérique du Sud jusqu’à la Terre de Feu, en Argentine, avec une arrivée prévue en mars 2020. 
Un parcours de plus de 13000 km en 16 mois !

Pour suivre leurs aventures : https://planetenco.blogspot.com/

Pauline Ducousso
Photos : Sandrine Locci

Pour la famille Bonelli, retour à l’école après deux ans en mer

Enzo a aujourd’hui 16 ans. Avec sa sœur et ses parents Anne-Marie et Xavier Bonelli, ils ont navigué dans les Caraïbes, et voyagé en camping-car au Mexique et aux Etats-Unis de 2011 à 2013. Ils ont suivi leurs classes de CE2 et CM1 avec le CNED. Retour sur une expérience exceptionnelle.

Que retirez-vous de cette expérience ?

E.B. Beaucoup de positif ! Le programme du CNED, qu’on a bouclé en avril, était très bien structuré et le niveau beaucoup plus élevé. Au retour de notre voyage, on était donc très en avance. On aurait même pu sauter une classe. En plus de travailler dans un cadre magnifique, entre la mer, les poissons et les visites, ce voyage nous a ouvert l’esprit. Humainement, on a mûri beaucoup plus vite. On rencontrait des enfants qui n’allaient pas à l’école, qui aidaient leurs parents dans les champs ou à fabriquer des briques comme au Belize. Beaucoup ne savaient pas écrire. On leur offrait des fournitures scolaires. Avec ma sœur, on comprenait qu’on était privilégié, qu’on avait la chance d’aller à l’école.

A-M.B. Enzo et Léa ont vraiment tiré profit de cette nouvelle expérience d’apprentissage. Au port du Guatemala par exemple, tous les enfants de voyageurs, de nationalités différentes, se réunissaient pour faire cours et s’entraider. Ils ont aussi acquis une ouverture d’esprit puisqu’on se servait de nos expériences de voyage pour illustrer les cours. Après avoir visité les fabriques de cacao à Grenade, on expliquait aux enfants la constitution du cacao. On disséquait aussi des poissons pour découvrir l’anatomie des animaux. C’était l’école de la vie ! En musique, les enfants apprenaient les instruments locaux comme le steel-drum à Cuba. Ils ont aussi acquis des compétences linguistiques. Avec le peu de vocabulaire qu’ils connaissaient, ils étaient capables d’échanger avec des enfants étrangers. Finalement, je suis partie avec des enfants timides. Au retour, ils étaient épanouis et sociables. Ce voyage leur a apporté un plus dans leur développement personnel.

Au port du Guatemala par exemple, tous les enfants de voyageurs, de nationalités différentes, se réunissaient pour faire cours et s’entraider.

Anne-Marie Bonelli, mère d'Enzo

Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

E.B. Pendant une période cyclonique dans les Caraïbes, on a été obligés de quitter le bateau pour faire le tour des Etats-Unis en camping-car. Mais ce n’était pas du tout prévu ! On faisait école le matin avant de prendre la route car nous étions malades en voiture. Je repense aussi aux périodes de tempêtes en mer. Le bateau était très secoué donc ma mère préférait ne pas nous faire cours. Et parfois, mon père nous demandait de l’aider à ranger ou manœuvrer le bateau.

A-M.B. La plus grande contrainte, c’était la connexion wifi. Je devais renvoyer les évaluations à l’organisme du CNED par mail. Mais autant dire qu’en pleine mer, ou dans des endroits assez reculés, comme dans les Bahamas, on n’y avait peu ou pas accès. Il fallait parfois imprimer les documents et enregistrer les poésies et chansons sur CD puis les envoyer par courrier.

Comment avez-vous géré le passage du rapport mère-enfants à celui d’institutrice-élèves ?

E.B. Il nous a fallu un petit temps d’adaptation avec ma sœur. Au début c’était un peu compliqué d’obéir à notre mère qui prenait la place de la maîtresse. Mais l’avantage c’est qu’on apprenait de façon ludique avec elle, sous forme de jeux. Pour les langues, elle nous faisait regarder des séries en anglais sous-titrées en français.

A-M.B. Pendant trois heures, je changeais d’étiquette. Au début, j’ai vraiment joué le jeu. J’avais acheté un grand tableau avec des feutres. Puis très vite, je les ai laissé travailler de manière autonome. J’intervenais pour leur expliquer les notions qu’ils ne comprenaient pas. Mais parfois, bien sûr, il y avait du conflit quand ils n’étaient pas concentrés. Là ce n’était plus la maîtresse mais la maman qui s’énervait. Il arrivait qu’ils reçoivent des punitions. Je leur faisais écrire des lignes ou faire des exercices supplémentaires. Là où j’étais moins compétente, vu que je n’avais aucune formation dans l’éducation, c’était pour analyser les difficultés de mes enfants. Je m’énervais beaucoup contre Enzo parce qu’il avait du mal à écrire. Je ne comprenais pas pourquoi. Au retour, il a été diagnostiqué dyslexique. Mais dans l’ensemble, être maîtresse pendant deux ans a été une expérience enrichissante.

Propos recueillis par Pauline Ducousso
Photos : Anne-Marie Bonelli

Au début c’était un peu compliqué d’obéir à notre mère qui prenait la place de la maîtresse.

Enzo