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école de la deuxième chance | Cas d'écoles
L'école de la deuxième chance comme boussole
©Rawpixel

Chaque année en France, 100 000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme, selon une étude publiée en 2017 par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). Cela représente plus de 10% d’une génération qui n’obtient ni le bac, ni un CAP. Le nombre d’élèves dans cette situation est en baisse depuis quinze ans grâce aux politiques menées contre le décrochage scolaire. Parmi les solutions pour rebondir après l’échec, l’école de la seconde chance.

Il est 13h25 dans les couloirs de l’école de la deuxième chance. Les cours débutent dans cinq minutes. Dans les couloirs, des personnes de 18 à 30 ans qui ont quitté le système scolaire sans diplôme ni qualification et souhaitent se donner les moyens de leur réussite professionnelle. L’ambiance est au rendez-vous, les taquineries entraînent les rires. Au milieu de cette effervescence, un homme en costume glisse un petit mot à chacun. Il s’agit de Marc Machin, directeur de l’école régionale de la deuxième chance à Toulouse. Le directeur donne de sa personne, veillant à transmettre des ondes positives, par les mots ou les gestes. Il se comporte comme un père, donnant un repère à des jeunes qui n’en ont pas toujours eu.

Les jeunes ont des profils extrêmement variés, ayant vécu des sorties de route pour une multitude de raisons. Impossible de les lister, tant elles sont nombreuses. Rencontre avec Ilham et Youssra, deux élèves aux histoires très différentes.  

« Je n’avais pas confiance en moi et personne ne m’a aidée. »

Ilham a un parcours classique. Au collège, elle est une élève noyée dans la masse. Avec 12 de moyenne générale, elle rêve de faire de longues études, en intégrant une seconde générale. Malheureusement, le lycée qu’elle convoitait n’est pas du même avis, refusant sa candidature. « Je n’ai pas vraiment compris pourquoi. D’autres, qui avaient de moins bons résultats que moi, ont été pris. Peut-être que j’aurais dû plus me battre pour être acceptée », souffle-t-elle avec regret.

Complètement perdue, elle ne sait pas quoi faire de son avenir. « Personne ne m’a aidée à faire un choix. J’étais seule à devoir me décider avec les infos que je trouvais sur internet. Comme j’étais sociable, je me suis orientée vers une seconde préparant à un bac professionnel en relation clients et usager », explique-t-elle.

Son orientation par défaut se révèle être un fiasco. « On faisait toujours les mêmes choses. Je m’ennuyais. Je subissais. » Ilham continue de souffrir jusqu’en fin d’année de première, avant d’arrêter les frais. Pendant un an, la jeune femme ne fait rien. «  J’ai pris conscience de l’importance de l’école à ce moment-là. Je me suis dit que je ne pouvais pas continuer comme ça », avoue-t-elle d’une voix affirmée.

J’ai rencontré un professeur génial qui m’a débloquée.

Ilham, 19 ans, en reprise d'études

Comme le hasard fait bien les choses, sa famille déménage à Bellefontaine, tout proche de l’école de la deuxième chance. « Je connaissais l’établissement parce que ma cousine y était. Elle m’en a dit du bien donc j’ai fait les démarches pour m’y inscrire. » Après deux entretiens, Ilham est admise.

Enfin, pour la première fois de sa vie, Ilham est complètement épanouie à l’école. « Ils m’ont très bien comprise. Je n’ai pas encore de projet précis, je veux toucher à tout pour le moment », assure-t-elle . Cependant, les contours de son futur se dessinent doucement. Son avenir passera certainement encore et pour longtemps, par les bancs de l’école. « Des formateurs m’ont sensibilisée sur mes capacités à reprendre les études. Je vais passer un D.A.E.U, un équivalent du BAC pour ensuite faire des études supérieures », ambitionne-t-elle.

Pour illustrer à quel point l’école de la deuxième chance peut constituer un déclic, Ilham prend l’exemple des mathématiques. « Avant de venir ici, j’avais une phobie des maths. J’ai toujours été très nulle dans cette matière. J’ai rencontré un professeur génial qui m’a débloquée et maintenant tout va bien. À 19 ans, il était temps ! », plaisante-t-elle dans un large sourire. Telle est la mission de la seconde chance, celle de permettre à des jeunes de défaire des noeuds pour reprendre leur envol.

« Après ma grossesse, l’école était tout sauf ma priorité »

À 21 ans, Youssra n’a pas été épargnée par les coups durs de la vie. À 15 ans, elle est contrainte de quitter l’Algérie pour suivre ses parents, qui rêvent d’un meilleur destin. Adolescente et sans-papier, Youssra bascule dans un nouveau monde. « J’ai intégré une classe de troisième. Le choc était énorme. En Algérie, on était 50 par classe. C’est un grand changement », explique-t-elle en mentionnant ses difficultés linguistiques.

Bonne élève de manière générale, Youssra se bat pour passer son brevet avec succès et accéder à une seconde générale, puis à une première littéraire. « Franchement, c’était un monde trop différent. Je n’ai pas réussi à m’adapter. C’était trop compliqué pour moi », avoue-t-elle. Lucide sur son niveau, Youssra change d’orientation pour effectuer une passerelle vers une première Gestion-administration avec la ferme ambition d’obtenir le Bac .

Le plan ne se déroule pas comme prévu. Durant l’été, la jeune femme tombe enceinte. Dans le même temps, son ex-mari est emprisonné. L’école devient le cadet de ses soucis. « J’avais trop de problèmes à gérer. Je n’avais même pas encore mes papiers. J’étais seule. L’école était tout sauf ma priorité », se souvient-elle.

J’aimerais que mon fils ne fasse pas les mêmes erreurs que sa mère.

Youssra, 21 ans, en formation pour devenir agent d'escale

Après avoir accouché, s’être adaptée à la vie de maman, obtenu ses papiers et divorcé, Youssra peut enfin penser à son futur. « Je me suis dit qu’il fallait vraiment que je me bouge. Je ne voulais pas rester au RSA toute ma vie. Il fallait que je reprenne une formation sinon j’étais condamnée à faire uniquement des ménages », glisse-t-elle sans concession.

Sur les conseils avisés d’une éducatrice du centre maternel, Youssra s’inscrit à l’école de la deuxième chance avec comme projet de travailler en tant qu’agent d’escale à l’aéroport. « J’ai trouvé un stage chez Air Algérie. Je suis en train d’avancer », dit-elle avec fierté, tout en étant reconnaissante avec l’école de la deuxième chance « sans qui rien n’aurait pu être possible ».

Youssra a déjà tiré beaucoup de leçons de son vécu. Son expérience va forcément influencer son éducation. Elle se l’est promis, elle va être à fond derrière son enfant durant son cursus scolaire. « Je vais être très exigeante avec mon fils. J’ai appris que l’école était la voie la plus sûre pour trouver un boulot. J’aimerais que mon enfant ne fasse pas les mêmes erreurs que sa mère », espère-t-elle avec une sagesse désarmante pour son âge.

Mehdi Elouar